
Aujourd'hui je m'en vais vous raconter une légende qui nous vient tout droit du Chili, et qui explique pas mal de choses vous verrez.
Tout commença le jour d'automne où un vieux berger solitaire répondant au nom de Lioukoukar se décida à descendre de son haut paturage pour aller en ville. Il ne descendait à la ville qu'en de rares occasions, car il répugnait à quitter sa montagne si paisible et si belle. A la ville, il n'y avait que des gens tristes qui ne savaient pas qu'ils étaient tristes, selon Liouk, et cela ne lui plaisait pas, d'autant que ces gens là étaient bruyants, irrespectueux et malhonnêtes.
Il ne quittait donc ses lamas que quand le besoin s'en faisait vraiment sentir, cette fois ci car il ne lui restait plus une goutte pour sa lampe à huile, entre autre.
Après 5 jours de marche, il arriva à Antofagasta, et il constata que les choses n'avaient guère changé depuis sa dernière visite.
Il se dépêcha de faire ses emplettes, ayant déja hâte de rentrer chez lui. Comme d'habitude, il dut faire preuve d'une grande vigilance pour éviter les arnaques : décidemment pensa-t-il, les gens de la ville sont tous pareils.
Il sortit vite de la ville et prit le chemin du retour, pressé de revoir ses lamas (Surtout Pablojuánraúlpaco qui était un peu malade quand Liouk était parti).
Il marchait depuis un petit moment déja quand il s'aperçut qu'une étrange brume s'était levée, de plus en plus épaisse, l'empêchant bientôt de voir le bout de son pied. Notre berger aimait d'habitude bien la brume, mais à ce moment là il était tellement pressé de rentrer chez lui pour revoir ses lamas et oublier ce qu'il avait vu en ville qu'il ne put s'empêcher de grommeler en espagnol : "Mierda de Dioses que no quieran verme llegar a casa cerca de mis lamas !"
Hélas, à peine eut-il fini sa phrase qu'une faucille d'argent vint se planter dans son pied droit, et il entendit une voix énorme qui devait être celle de Dniakaczupan l'irritable, et qui lui répondit en langue des dieux (que seuls les dieux savent parler mais que tous peuvent comprendre) :
"Si cette suspension de micro-gouttelettes d'eau t'indispose, Dniakaczupan s'en foutre.
Si misérable petit gardien de lamas offense les dieux par sa parole impie, Dniakaczupan punir."
Et sur le champ la brume se dissipa, laissant place à des corps de lamas désarticulés étalés partout sur le sol autour du pauvre Lioukoukar qui voyant cela cria son désespoir au ciel.
Il se répandit en excuses auprès des dieux, les suppliant de ramener à la vie ses compagnons, balbutiant qu'il ne savait point ce qu'il disait et qu'il ne répéterait jamais de telles paroles.
A ce moment là, un immense nénuphar ailé descendit d'entre les nuages, et en sortit Llocopucu le vénérable. S'appuyant sur sa canne de chêne noir, il lui dit qu'il ne pouvait ramener les lamas à la vie mais qu'en revanche il allait leur rendre un ultime hommage.
Et une lumière jaune enveloppa les corps de ces sympathiques quadrupèdes inanimés, leur laine fut transformé en feuilles et le reste de leur corps changé en soleil.
Depuis ce jour, au chili, tous les automnes à la même période toutes les feuilles des arbres changent de couleur progressivement pour prendre une teinte rouge ou jaune (certains lamas ont une laine presque rouge) avant de tomber en hiver comme tombèrent du ciel les lamas du petit berger chilien.
Et s'il y a une morale, je ne l'ai pas encore trouvée.